Que n'ai-je
Il avait bien neigé et depuis quelques jours, il faisait très froid me disait-on. Tout restait maculé de blanc et depuis ce lit sur lequel j'étais allongée je me réjouissais de rentrer chez moi dans l'après-midi retrouver mes petits "grands" ou mes grands "petits". Toujours trop jeune de toute façon lorsque tu as 10 et 12 ans pour être éloigné d'une maman trop malade. Je suis passée de l'année 1986 à l'année 1987 dans un état de semi-conscience tranquillement euphorique, moment post-opératoire oblige. J'avais demandé à l'équipe soignante de surtout faire couler du champagne dans la perfusion à minuit pétante, ce qui fut fait dans l'absolue complicité qui nous unissait, pour fêter la nouvelle année que j'espérais bien plus que bonne. Elle le fut en dépit de tout et je garde le souvenir d'une mise à l'épreuve qui m'a transportée dans un futur innovant et rempli de curiosités, la vie quoi !
Dehors tout était glacé, nous étions le 14 janvier et j'attendais que le médecin passe pour valider l'autorisation de sortie, ce qui ne fut pas fait. La cicatrice présentait quelques risques et je dois dire que je me sentais coupable d'avoir trop bougé une fois libérée et nourrie normalement. Tant pis ce qui était pris l'était bel et bien comme les fous rires qui menaçaient de faire sauter les agrafes mais qui étaient plus forts que le mal qu'ils pouvaient provoquer. Le rire c'est la vie et je ne l'oublie jamais !
A la maison mes deux enfants, je les imaginais tout seuls jusqu'au retour de leur papa. Ce n'était pas méchant en soi mais je venais d'apprendre que tout était gelé, même les tuyaux dans la rue pourtant très passagère... pas d'eau, pas de chauffage et la cheminée ce n'est pas très prudent pour des enfants... c'était il y a 25 ans mais on ne peut pas imaginer avec les moyens de communication actuels combien alors on pouvait être isolés même si tout se passait en proche banlieue bordelaise. Je n'avais pas le téléphone dans cette chambre où nous étions quatre car pas moyen de faire autrement, et j'avais du mal pour me déplacer. J'avais appelé les garçons en tout début de soirée, je m'étais crue rassurée par leurs paroles que je gardais en moi. J'étais sûre de mon côté de les avoir rassurés aussi mais un peu plus tard dans l'obscurité j'ai appuyé sur la sonnette. L'infirmier est arrivé, j'ai pleuré toutes les larmes que j'ai pu sortir, ces larmes gelées, pétrifiées mais qui cédaient et fondaient pour couler comme autant d'espoir que tout revienne à la normale et que je rentre chez moi, chez eux, chez nous. Que je rentre chez nous et que la vie reprenne son cours *rire* *renifle*
Dehors tout est toujours glacé et nous sommes le 17 janvier, j'attends le médecin qui doit vérifier et examiner à nouveau la situation. Je n'ose espérer, j'ai décidé de patienter patiemment. A la maison ils m'attendent et les robinets malgré le froid ont retrouvé leur débit rassurant, il faut simplement observer quelques règles que l'homme de la maison maîtrise bien. Le feu brûle dans la cheminée et ce soir je rentre chez nous en vrai, pas pour rire. Je vais retrouver mon téléphone aussi, une rallonge me permet de l'avoir tout à côté. J'ai beaucoup d'appels et j'appelle beaucoup en ces temps-là. Quelquefois trop souvent même, je suis fatiguée alors j'arrête mais quand j'appelle c'est que tout va bien. Et c'est reparti je ris, je ris pour de vrai, le rire c'est la vie mais je n'en serai certaine qu'en juin !
Il y a des hivers plus froids que d'autres et des années pas comme les autres !
(Les garçons au bord du lac gelé près de la maison de Villenave en janvier 1987)
Que neige pour qu'arrive le printemps !
(Elise dans le jardin de Villenave en février 1991)
Que n'ai-je fait qui ne serait à refaire...
Sur qui retrouvera-t-on le bonnet et la carotte quand la petite fille sera rentrée d'après toi ?
*
J'aimerais bien voir tomber quelques flocons pour le plaisir aujourd'hui...