La septième fonction du langage
Ce roman de Laurent Binet fait partie de la rentrée littéraire. Je l'avais réservé à la médiathèque et en ai inauguré la lecture. Je ne sais pas si je vais avoir ce pouvoir de vous convaincre de le lire mais il y a 588 autres ouvrages à découvrir, me voilà rassurée !
Le roman commence par un accident. Roland Barthes se fait renverser par une camionnette de blanchisserie le 25 février 1980 (il mourra quelques jours plus tard) et se termine en 1981, un peu après l'élection de François Mitterrand aux présidentielles. L'accident a eu lieu alors que le grand Sémiologue, Professeur au Collège de France, sortait d'un repas en compagnie de Jack Lang et du candidat François Mitterrand. Jusque là nous sommes dans le réel.
Dans l'imagination de Laurent Binet en revanche ça court au grand galop. Barthes aurait eu en sa possession un document de la plus grande importance, celui qui dévoilerait "la septième fonction lu langage", celle qui permettrait de convaincre n'importe qui de n'importe quoi. Roland Barthes aurait donc été assassiné ! A partir de là l'auteur embarque tout le microcosme intellectuel littéraire et politique du moment dans un polar dont l'enquête est dirigée par le commissaire Bayard, bonhomme un peu bourru et giscardien, accompagné pour l'épauler d'un jeune thésard en Sémiologie et gauchiste, Simon Herzog. Ils vont vite découvrir que derrière cet assassinat se cache une société secrète, les "logos clubs" dans lesquels chacun veut prendre la place du dessus. Ce sont en fait des joutes oratoires où ne pas avoir le dernier bon mot peut coûter un bras... au mieux une phalange ! Et toute l'intelligentsia des années 70-80 se précipite dans les pages du roman, je donne une mention spéciale rigolade concernant les passages sur le couple Kristeva-Sollers mais toute l'élite de Saint-Germain-des-Prés y est plus ou moins pastichée (BHL est déjà présent, même que pour passer incognito il met une chemise noire haha ) -Foucault, Eco, Derrida, Edern-Hallier, Sollers, Kristeva, Lacan, Jean Passe et pas des moindres...- Parmi ce beau monde chacun chacune pourrait avoir voulu assassiner Roland Barthes, ils sont tous suspects ! Nos enquêteurs se retrouveront à Bologne, New-York, Venise et seront confrontés aux services secrets russes, roumains, japonais, bulgares ainsi qu'à la Camorra, aux Brigades rouges. C'est toute une période que l'on parcourt et c,est de la marche rapide.
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C'est beaucoup pour cela que j'ai aimé le livre. Tout en étant dans un polar cocasse plein de facéties et de retournements, je révisais (revivais ?) une époque, une période pendant laquelle j'étais une très jeune maman et l'auteur un petit enfant. Bien sûr je m'intéressais et ne loupais jamais un vendredi soir à 21h30 pour regarder "Apostrophes", cette émission dans laquelle les protagonistes du livre sont pratiquement tous passés. "Chuuut maintenant vous dormez je laisse la porte ouverte" ggrrrrr je crois que le ton montait au fur et à mesure que l'heure approchait car j'étais allée voir les garçons plusieurs fois déjà qui faisaient la java. Il fut un temps où je donnais le dernier biberon de la journée... Je souris d'y repenser mais qu'est-ce que j'étais bien devant mon émission préférée ! Je me rappelle que je ne pouvais me procurer les livres que quelques années plus tard (financiairement parlant) mais toujours je me souvenais de ce qui m'avait fait envie, tous genres confondus évidemment hein ? parce que là c'est du haut vol quand même. Merci monsieur Pivot !
Accessoirement j'ai apprécié me balader, reconnaître Paris en marchant dans les pas des personnages, à Venise aussi un peu. Mais globalement j'ai beaucoup ri grâce à l'imagination de l'auteur et sans me poser trop de questions. Il y a des passages où je suis certaine que le réel et la fiction se confondaient mais on reste dans le flou de l'enquête fictive bien sûr. Il y a également quelques passages érotiques pas piqués des hannetons, je ne saurais dire s'ils sont de trop ou pas mais je vous avertis et puis c'était marrant.
Ce livre est difficile à chroniquer (déjà qu'avec moi d'habitude c'est du j'aime/j'aime pas ou carrément je vous le conseille ! Ce que je peux vous dire c'est que celui-ci est une farce érudite vraiment facile à lire
et moi au départ j'ai eu peur que ce ne soit pas le cas ! Roland Barthes je ne l'avais étudié qu'à travers le génie de Fabrice Luchini. Allez je vous fais des baisers amicaux (c'est plus littéraire que bisous mais c'est moins nounours)